Au Mali, les négociations avec
les Touaregs piétinent.
Après avoir
accumulé des mois de retard, les discussions entre Bamako et les groupes armés
ont timidement repris.
«Je n'ai pas
le droit de douter de la bonne volonté de Bamako.» Les mots d'Ambeiry Ag
Rhissa, cadre du MNLA (Mouvement national de libération de l'Azawad), impliqué
dans les discussions en cours avec l'État malien, sont aussi pesés que
suggestifs. Le dialogue a repris il y a tout juste un mois, après une longue
période de creux: aucune avancée n'avait plus été enregistrée depuis la
signature de l'accord d'Ouagadougou signé en juin dernier.
Accord dans
lequel les rebelles touaregs du MNLA et les autres groupes armés présents dans le
nord du Mali s'engageaient à permettre la tenue de la présidentielle malienne,
à la suite desquelles des négociations devaient s'ouvrir. Dans ce texte,
durement négocié, l'État malien faisait lui aussi certaines concessions. «Les
autres clauses ont été foulées du pied, dénonce Ambeiry Ag Rhissa. La
libération des prisonniers, le cessez-le-feu ne sont pas respectés. Les
arrestations arbitraires et les assassinats par l'armée malienne continuent. Et
la commission d'enquête sur les crimes commis? On n'en a plus entendu parler!»
De nouveaux «ateliers», c'est le terme officiel, ont été organisés la semaine
dernière dans la capitale malienne. Mais ils n'ont débouché sur rien. Les
rebelles touaregs du MNLA, fâchés, avaient choisi de ne pas y assister.
Cantonnement des miliciens
De fait,
l'accord d'Ouagadougou a longtemps été maltraité par l'équipe du président
malien, Ibrahim Boubacar Keïta, dit «IBK». Qui a mis sur
la touche le médiateur burkinabé mandaté par ses voisins ouest-africains de la
Cédéao, au profit de l'Algérie, et qui a même déclaré qu'il refuserait de
discuter avec les rebelles tant qu'ils n'auraient pas déposé les armes. Jusqu'à
ce que la communauté internationale, Nations unies en tête, ne lui rappelle que
le désarmement des groupes est justement un objectif des négociations
politiques qui restent à ouvrir. Et que le Mali s'y est engagé.
Aujourd'hui,
c'est donc sur le cantonnement des combattants que se concentrent toutes les
discussions. Un cantonnement présenté comme une étape devant permettre
l'ouverture de véritables négociations sur le statut territorial des régions du Nord. Le mois dernier, après une
visite éclair du Conseil de sécurité des Nations unies à Bamako pour mettre la
pression sur les autorités maliennes, les discussions ont donc été relancées.
Des premiers
«ateliers» ont rassemblé, à Bamako et sous l'égide des Nations unies, toutes
les parties. Un «projet de mode opératoire du cantonnement» a même été signé,
que Le Figaros'est procuré, et tous les participants ont salué des
avancées concrètes sur divers points techniques. Si le nombre de sites
souhaités par les groupes armés est pléthorique et donc intenable - trente-neuf
- et que la durée du cantonnement reste indéfinie - «la plus courte
possible»-, les avancées sont donc réelles. La Minusma (Mission des Nations unies
au Mali) est même sur le point de lancer la construction des huit premiers
sites de cantonnement dans la région de Kidal.
Mais si le
processus est si lent et laborieux, c'est que les désaccords de fond et les
accusations mutuelles demeurent nombreux. Ainsi, une frange du Mouvement arabe
de l'Azawad (MAA) a claqué la porte des discussions: en cause, la présence de
fonctionnaires de l'État malien se présentant sous la même étiquette qu'eux.
«Les négociations, c'est pour les belligérants, clame Mohammed el-Maouloud Ramadan,
leur porte-parole. Eux, ils sont du côté du gouvernement!» Et de citer les noms
de fonctionnaires maliens en poste, mais impliqués dans les discussions en tant
que rebelles… «Ce sont des manigances de Bamako», juge carrément Ambeiry Ag
Rhissa, du MNLA. En début de semaine dernière, un ancien cadre du MNLA évincé
du mouvement «pour sa proximité grandissante avec Bamako» créait sa propre
coalition afin de «tendre la main à IBK». «Les négociations ne doivent pas
inclure des mouvements qui se comportent comme des partis politiques, s'agace
encore Ambeiry Ag Rhissa, ils préparent leurs propres intérêts!».
Manque de bonne volonté
Du côté de
Bamako, on préfère pointer la responsabilité de la désorganisation des groupes
armés dans le blocage des discussions: «Ils ont beaucoup de contradictions
internes, note un cadre du ministère de la Défense, ils sont incapables de
parler d'une même voix. C'est ça le gros problème.» Les exigences des groupes
armés sur le cantonnement? «Elles sont disproportionnées, elles ne correspondent
pas à la réalité. Ils veulent profiter du processus.» Quant à l'absence du MNLA
pour les discussions organisées à Bamako, elle refléterait surtout «une
situation de vulnérabilité». «Ils ont un problème de représentativité. Ils vont
en ordre dispersé et n'ont donc pas intérêt à être présents», analyse encore
cette source.
Un jeu qui
pourrait mettre en péril les discussions en cours: les contestataires du MAA
menacent de rompre le cessez-le-feu officiellement en vigueur, et des accords
obtenus sans l'ensemble des belligérants pourraient ne servir à rien. «Le
problème se posera si certains acceptent d'être cantonnés et d'autres non, avec
un risque d'attaque des sites», redoute un membre de la Minusma en poste à
Bamako, impliqué de près dans les discussions en cours.
Selon lui,
l'État malien manquerait également d'engagement et de bonne volonté. «Leur
implication n'est pas claire. Est-ce qu'ils vont participer financièrement au
cantonnement? Il faut que Bamako s'implique davantage.» L'objectif actuel est
de construire les premiers sites avant l'été, puis de commencer
l'enregistrement des combattants à cantonner. Une phase qui devrait permettre
l'ouverture, enfin, de véritables négociations politiques avec les groupes armés.
Et encore. «IBK ne veut pas négocier parce qu'il a été élu en tant qu'homme
fort. Les populations du sud du Mali ne veulent pas de compromis», juge enfin
un responsable onusien. Une analyse que partage le cadre malien du ministère de
la Défense: «IBK joue le pourrissement parce qu'il ne veut pas prendre
position. Ce n'est pas le moment, vis-à-vis de son électorat, de prendre des
décisions durables.»
Le 18 mars 2014
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